Enfance d’Hercule
Hercule, toute sa vie, fut une brute sympathique. Comme le montrent ses statues, il avait une petite tête sur un corps puissant. C’était, selon Euripide, « un être grossier, inculte et emporté ; toute sa science se bornait à agir, et il ne fréquentait pas les académies ». Mais sa force physique et sa bravoure étaient surhumaines. Il ne lui fallut pas longtemps pour le prouver.
Il était né depuis quelques jours à peine, et dormait tranquillement dans son berceau, à côté de son frère jumeau Iphiclès, lorsque Junon, animée par la haine qu’elle éprouvait à l’égard de tous les bâtards de Jupiter, dirigea vers les bébés deux serpents puissants et venimeux. Iphiclès se réveilla le premier et se mit à pousser des cris de frayeur ; Hercule, sans s’émouvoir, prit les serpents dans ses petites menottes et les étrangla prestement. Lorsque sa mère, Alcmène, et son père putatif, Amphitryon, alertés par les cris d’Iphiclès, entrèrent dans la chambre, Hercule jouait avec les deux cadavres en riant aux éclats.
Les parents d’Hercule tentèrent de lui donner une éducation soignée. Mais, s’il manifestait des dispositions exceptionnelles pour tous les exercices physiques, il n’éprouvait qu’aversion pour les activités culturelles. Son maître de musique, un certain Linnus, l’ayant un jour réprimandé pour son inattention et sa maladresse, Hercule, se livrant pour la première fois à l’une de ces explosions de colère subites et incontrôlables dont il devait donner, par la suite, bien d’autres exemples, brisa sa lyre sur le crâne de Linnus, qui en mourut. Hercule, qui avait un cœur d’or, manifesta, mais trop tard, un profond chagrin et un vif remords.
À seize ans, il était devenu un colosse ; sûr de sa force, armé d’une énorme massue, il ne craignait personne ; même les dieux ne lui faisaient pas peur. Un jour de grosse chaleur, incommodé par le soleil, il braqua son arc vers le char d’Apollon et menaça d’en abattre les chevaux et le conducteur. Une fois, alors que le navire où il se trouvait était ballotté par une tempête, il osa insulter et défier Neptune. Il ne craignait même pas de braver Jupiter, dont il était le fils : au cours d’un voyage, passant près du Caucase, il aperçut Prométhée, enchaîné à son rocher et dévoré par un aigle ; au récit que lui fit Prométhée des causes de son supplice, il fut pris de pitié pour le Titan, qu’il délivra en brisant ses chaînes de ses mains nues.
Par de telles prouesses, Hercule, au seuil de l’adolescence, s’était déjà rendu célèbre dans le monde grec ; Thésée était au courant des exploits de son cousin, et brûlait de les égaler.